Bientôt les pins maïs
Félix Arnaudin écrivait en 1911 pour la préface des Chants de la Grande Lande : "a l'étendue plane, sans limite, ou l'œil avait le perpétuel éblouissement du vide [...] a succédé la forêt industrielle avec toutes ses laideurs (la culture intensive "pour le maximum d'argent", la plantation en allées, en ligne droite, écœurante de banalité, irraisonnée au surplus, violente accélératrice qu'elle peut être du feu et du vent destructeur), dont l'étouffant rideau, partout étendu où régnait tant de sereine et radieuse clarté, borne implacablement la vue, hébète la pensée, en abolit tout essor "
En un peu plus d'un siècle, la forêt de pins a couvert l'ensemble du massif. Forêt jardinée, parsemée de châtaigniers et petits chênes sur le pourtour de la grande lande et autour des villages en raison du morcellement parcellaire ou grandes forêts préindustrielles fameux paysages des trois étages de pins de la forêt de production généralisée après les grands incendies.
Exit donc les paysages de Félix Arnaudin. Seules les grandes balafres des tempêtes Martin en 1999 puis Klaus en 2009 ont par endroit rouvert le paysage permettant d'y retrouver les perspectives, les étendues planes et lumineuses chères au photographe. Mais rapidement, ces espaces vides laissés par les tempêtes ont servi d'appel d'air pour une forêt industrielle, mécanisée calquée sur la grande culture du maïs et des légumes.
Si autrefois après une coupe rase les souches étaient enterrées ou rendues à la terre débitées en copeaux nourrissant ainsi les micro-organismes, il n'en est aujourd'hui plus rien. Tout est broyé pour faire des copeaux de bois énergie. On ne laisse plus rien à la terre, on lui prend tout !
Le broyage se faisant sur place, tout y passe, même les petits chênes tauzin qui s’étaient développés sous les pins et que la coupe rase avait épargnés, parce que non rentables. Transformés également en copeaux les taillis qui ont le malheur de pousser aux alentours.
Il ne reste plus rien à tous les sens du terme.
Il est plus que probable que dans un avenir plus proche que nous ne le pensons, la traversée du massif des Landes ne se fera plus qu'au travers d'une longue suite de parcelles de pins génétiquement modifiés pour pousser droit et vite, de cultures de maïs et de légumes. Vitres fermées ou avec des masques en raison des épandages de produits chimiques indispensables sur un sol devenu un substrat.
Alors, Félix Arnaudin retrouvera-t-il quelque temps ses vastes étendues, le temps que les nouveaux pins dépassent la hauteur des pivots d'arrosage.